On ne badine pas avec Ronda. En 1994 pour illustrer son album “ Bedtime Stories ” Madonna a voulu tourner quelques scènes d’un clip dans les arènes de Ronda. L’histoire ? Celle d’une jeune femme amoureuse d’un torero, joué en l’occurrence par le matador Sévillan Emilio Muñoz, et qui la délaisse parce que seuls, pour lui, comptent les “ toros ”. Les propriétaires de la plaza, une confrérie fondée en 1485 lors de la reconquête de l’Andalousie maure par les Rois catholiques ainsi que le directeur des arènes, le fameux torero Antonio Ordoñez n’ont pas hésité à refuser d’en ouvrir les portes malgré les 17 millions de pesetas offert par la production. Pas question. Nada. Raison invoquée : La Real Maestranza de Caballerìa de Ronda, le vrai intitulé des arènes, ne peut en aucun cas se prêter à une “ profanation ” même si plusieurs versions cinématographiques de Carmen, dont la dernière celle de Francesco Rosi en 1983, y ont été tournées. Mais il s’agissait de la Carmen de Mérimée, dont l’action se situe en partie à Ronda, et non de l’exhibition d’une “ sex symbol ” yankee de surcroît et abonnée à la provocation érotique impardonnable pour une confrérie vouée depuis son origine à défendre le mystère de l’Immaculée Conception. Donc Madonna a pris son clip, ses claques, ses dollars et ses soixante gardes du corps et s’est repliée sur les arènes d’Antequera, La plaza d’Antequera est certes ravissante mais elle n’a pas, de très loin, le statut “ sacré ” de celle de Ronda où fut inhumé, avec un crucifix, le torero Curro Guillén tué sur son sable le 20 mai 1820 par un toro de 7 ans de l’élevage de Cabrera. Curro Guillén n’est plus le seul aujourd’hui à reposer sous la piste ocre de Ronda. Depuis le 21 décembre 1998, les cendres d’Antonio Ordoñez décédé à 66 ans d’un cancer, ami d’Hemingway et d’Orson Welles, sont enterrées devant le toril et selon son vœu “ pour être piétiné par les sabots des toros, pas par les pieds des hommes. ” C’est d’ailleurs encore à Ronda, dans la propriété d’Ordoñez, que les propres cendres de Welles ont été déposées dans un puit aveugle prés de la piscine. Antonio Ordoñez, le plus important torero du XXème siècle selon certains, avertissait, en rigolant, les plongeurs : “ Attention, n’éclaboussez pas Orson ! ”
Perdue dans la sierra et perchée sur sa falaise de pierre au dessus du précipice de 160 mètres creusé par le rio Guadalevin, Ronda, 33000 habitants, c’est Vézelay ou Saint Denis. On s’y fait enterrer, on y vient en pèlerinage, les aficionados surtout et dans la première semaine de septembre lorsque, dans les plus anciennes arènes rondes
d’Espagne, construite par l’architecte Martin de Aldehuela et inaugurées en 1785, se donne une prestigieuse corrida “ goyesque ”. Les toreros qui arrivent en calèche y toréent dans des habits inspirés des peintures de Goya. Cette tradition date de 1954. Elle a été créée par Antonio Ordoñez pour célébrer le bi centenaire de la naissance du matador Pedro Romero qui est en bonne partie à l’origine de la corrida à pied dont l’un des deux berceaux est Ronda. L’autre étant Séville. Pedro Romero est le petit-fils de Francisco Romero un charpentier devenu torero et qui aurait, selon certains, inventé la “ muleta ”, le drap de serge rouge qui sert à conduire les charges des toros. Il aurait aussi été le premier a estoquer les toros “ a recibir ” c’est à dire en recevant, immobile, leur charge au lieu de se jeter dessus pour leur planter l’épée dans le dos “ a volapiés ”, à vole-pieds, technique pratiqué par les toreros de la rivale Séville. Juan Romero fils de Francisco sera également torero et aura 4 fils tous toreros. Deux, Gaspar et Antonio se feront tuer par des toros la même année, en 1802. José rivalisera avec son frère Pedro mais Pedro Romero, peint par Goya, célébré dans une ode par l’écrivain Moratin et courtisé par la duchesse d’Albe est le grand matador du XVIIIème siècle. Il meurt à Ronda à 85 ans après avoir, avec sa force herculéenne son courage titanesque et ses grosses mains tués plus de 5000 toros sans recevoir d’important coup de corne. Le 19 mai 1785 dans un mano a mano avec le rival sévillan Pepe Hillo, Pedro Romero inaugure la Real Maestranza de Caballerìa de style néo-classique construite en pierre et bois et comme les théâtres de l’époque avec des balcons qui signalent la position sociale des spectateurs et la prospérité aristocratique de la Ronda du XVIIIème. Mais le face à face Pedro Romero Pepe Hillo n’est pas seulement un duel purement taurin. A travers l‘art et la personnalité distincts de chacun il met en miroir deux villes très différentes, deux façons d’être andalou. Si Cadix à cette époque représente l’Andalousie marine, Séville incarne la plaine et la campagne et Ronda l’Andalousie profonde de l’intérieur des terres et de la sierra. Séville la raffinée, l’exubérante, qu’on dit gaie et sale est “ ingouvernable ”. Ronda est altière, austère, exigeante, fermée et secrète comme le suggérera James Joyce à la fin de Ulysse : “ …et Ronda et les vieilles fenêtres des posadas de deux yeux de feu derrière le treillage… ”.
Pepe Hillo a une tauromachie gracieuse et fluide. Elle est faite de feintes, d’esquives, d’allégresse, de mouvements syncopés. Une vivacité spontanée et variée. Hillo accumule les effets, joue sur le chatoiement et la frénésie. Il aime séduire. Trop. Il plait au gros public, au plus grand nombre. Un toro le tuera à Madrid. Pedro Romero à l’inverse plait aux “ entendidos ”, aux connaisseurs, au petit nombre. C’est un torero froid, dépouillé, rigide, très technique, un seigneur hautain, un guerrier sec, guindé comme sa ville. Hillo cherche l’enchantement, l’ornement, le détail même frivole. Pedro Romero est majestueux, sobre et efficace. Il se tient face aux toros comme un soldat. A l’image de Ronda sentinelle blanche mentionnée dés l’Antiquité par Strabon et dont la vocation est d’abord militaire. Ronda sur son vertigineux rocher défendait la région contre les envahisseurs venus de la cote : barbaresques, turcs, hollandais, anglais plus les contrebandiers et les bandoleros de l’Espagne “ romantique ” de Mérimée et Théophile Gautier, plus les guérilleros antifranquistes des années 40.
Pour Pedro Romero la tauromachie est un art sévère. Il n’admet que les figures classiques : la “veronica”,
la passe “ naturelle ”, la plus difficile, avec la main gauche. Il exclut de son répertoire les frous-frous sévillans et tue toujours “ a recibir ”, Cette raideur Ronda l’impose y compris dans son paysage. Séville est une grande ville percée de larges avenues et traversée par le Guadalquivir, un fleuve maintenant domestiqué. On y voit des bateaux-mouches et des planches à voile. La vieille Ronda, entre le quartier aux allures villageoises de San Francisco et celui, plus commerçant du Mercadillo est coupée en deux, à la hache, par l’abîme sauvage d’un ravin survolé par des corbeaux et des oiseaux de proie. Séville est une ville musée qui exhibe complaisamment ses reliques, ses palais, ses églises dans un luxe de coquetteries : azulejos, grilles, balcons fleuris, maisons peintes à la chaux, céramiques décoratives et religieuses, patios ravissants offerts à la curiosité visuelle des visiteurs. Du quartier aristocratique et dépourvu de tout commerces de Ronda autour de la cathédrale de Santa Maria la Mayor construite au XVIème siècle émane une séduction plus sobre et le silence de la Plaza de la Duquesa de Parcent égayée de nombreux lauriers roses contraste singulièrement par sa rurale tranquillité avec le succès bruyant du touristique quartier sévillan de Santa Cruz. Séville affiche son passé à travers la somptuosité de ses monuments : la Giralda, l’Alcazar, la Tour de l’Or, les remparts, les églises baroques. Ronda dit peu de son passé. La cathédrale Santa Maria s’est substituée à une mosquée et l’architecture Renaissance a pris le pas sur l’architecture arabe. Le chef d’œuvre de Ronda et qui met en évidence son aspect citadelle c’est le Puente Nuevo édifié au milieu du XVIIIème par Martin de Aldehuela au dessus du fameux précipice et qui a permis à la Ronda de l’âge classique de se développer autour de sa Plaza de Toros. Dans ce quartier là ouvert et du Mercadillo la longue, piétonnière et commerçante calle de la Bola rivalise, toute proportion gardée, avec la fameuse et si vivante calle Sierpes de Séville.
Mais à la différence de la baroque et nombriliste Séville, Ronda est restée attachée à son quant à soi néo-classique et à ses principes. Sifflé par le public de Ronda parce que sévillan Curro Guillén en mourra le 20 mai 1820. Ce jour là il s’apprête a estoquer son toro à “ volapiés ”, à la façon sévillane lorsque un certain Manfredi l’apostrophe des gradins : “ Senor Curro n’êtes-vous pas le roi des toreros ? Alors tuez donc je vous prie ce petit toro a recibir.” Curro Guillén s’exécute, le toro l’attrape et le tue. “ Plaza de piedra de Ronda/ La de los toreros machos ” écrira Fernando Villalón, poète de la génération de 1927, ami de Garcia Lorca et éleveur de toros de combat aux yeux verts. Dans son appétit de rigueur Pedro Romero qui a sa statue sur la promenade de La Alameda édictera une sorte de table de la loi tauromachique qu’Orson Welles amoureux de la corrida et de Ronda pouvait réciter par cœur : “ Un : le couard n’est pas un homme, et pour la tauromachie il faut des hommes. Deux ; la peur donne plus de coups que les toros. Trois : l’honneur du matador est de ne jamais fuir ou courir devant les toros lorsqu’il tient dans sa main muleta et épée. Quatre : le maestro ne doit jamais sauter la barrière après s’être mis devant le toro parce que c’est une chose honteuse… ”
Un siècle plus tard une autre dynastie “ torera ”, celle des Ordoñez, viendra redonner une autorité, y compris, littéraire à Ronda. Elle est fondée par Cayetano Ordoñez, fils d’un savetier qui torée sous le nom de “ Niño de la Palma ”. Le poète Rafael Alberti lui dédie un poème de son recueil “ L’aube du Giroflée ” et Hemingway l’immortalise dans son roman “ Le soleil se lève aussi ” sous le pseudonyme, évidemment, de Pedro Romero. Il est ce jeune torero brillant dont s’entiche Brett l’héroïne “ jazzy ” du livre. Cayetano aura cinq fils tous toreros mais seul Antonio statufié, lui, devant les arènes fera une grande carrière. L’écrivain José Bergamín le célèbre dans des poèmes et, avec Luis Miguel Dominguin, il est le héros de “ L’été Dangereux ” d’Hemingway. Antonio Ordoñez décédé son petit fils le torero Francisco Rivera-Ordoñez a repris l’organisation de la corrida goyesque de Ronda. Comme la tauromachie aime les vieilles fidélités, l’assonance et les histoires qui se bouclent en cercle Francisco Rivera-Ordoñez est devenu Duc de Montoro après avoir épousé la fille de l’actuelle duchesse d’Albe dont l’aïeule avait eu quelques faiblesses pour Pedro Romero. Ronda ronde. Le poète andalou Juan Ramon Jiménez en a dit la magie: “Ronda alta y honda, rotunda, / profunda, redonda y alta…”
Jacques Durand
Photo Madonna © Madvin
Photo © Aitor Lara
Perdue dans la sierra et perchée sur sa falaise de pierre au dessus du précipice de 160 mètres creusé par le rio Guadalevin, Ronda, 33000 habitants, c’est Vézelay ou Saint Denis. On s’y fait enterrer, on y vient en pèlerinage, les aficionados surtout et dans la première semaine de septembre lorsque, dans les plus anciennes arènes rondes
d’Espagne, construite par l’architecte Martin de Aldehuela et inaugurées en 1785, se donne une prestigieuse corrida “ goyesque ”. Les toreros qui arrivent en calèche y toréent dans des habits inspirés des peintures de Goya. Cette tradition date de 1954. Elle a été créée par Antonio Ordoñez pour célébrer le bi centenaire de la naissance du matador Pedro Romero qui est en bonne partie à l’origine de la corrida à pied dont l’un des deux berceaux est Ronda. L’autre étant Séville. Pedro Romero est le petit-fils de Francisco Romero un charpentier devenu torero et qui aurait, selon certains, inventé la “ muleta ”, le drap de serge rouge qui sert à conduire les charges des toros. Il aurait aussi été le premier a estoquer les toros “ a recibir ” c’est à dire en recevant, immobile, leur charge au lieu de se jeter dessus pour leur planter l’épée dans le dos “ a volapiés ”, à vole-pieds, technique pratiqué par les toreros de la rivale Séville. Juan Romero fils de Francisco sera également torero et aura 4 fils tous toreros. Deux, Gaspar et Antonio se feront tuer par des toros la même année, en 1802. José rivalisera avec son frère Pedro mais Pedro Romero, peint par Goya, célébré dans une ode par l’écrivain Moratin et courtisé par la duchesse d’Albe est le grand matador du XVIIIème siècle. Il meurt à Ronda à 85 ans après avoir, avec sa force herculéenne son courage titanesque et ses grosses mains tués plus de 5000 toros sans recevoir d’important coup de corne. Le 19 mai 1785 dans un mano a mano avec le rival sévillan Pepe Hillo, Pedro Romero inaugure la Real Maestranza de Caballerìa de style néo-classique construite en pierre et bois et comme les théâtres de l’époque avec des balcons qui signalent la position sociale des spectateurs et la prospérité aristocratique de la Ronda du XVIIIème. Mais le face à face Pedro Romero Pepe Hillo n’est pas seulement un duel purement taurin. A travers l‘art et la personnalité distincts de chacun il met en miroir deux villes très différentes, deux façons d’être andalou. Si Cadix à cette époque représente l’Andalousie marine, Séville incarne la plaine et la campagne et Ronda l’Andalousie profonde de l’intérieur des terres et de la sierra. Séville la raffinée, l’exubérante, qu’on dit gaie et sale est “ ingouvernable ”. Ronda est altière, austère, exigeante, fermée et secrète comme le suggérera James Joyce à la fin de Ulysse : “ …et Ronda et les vieilles fenêtres des posadas de deux yeux de feu derrière le treillage… ”.
Pepe Hillo a une tauromachie gracieuse et fluide. Elle est faite de feintes, d’esquives, d’allégresse, de mouvements syncopés. Une vivacité spontanée et variée. Hillo accumule les effets, joue sur le chatoiement et la frénésie. Il aime séduire. Trop. Il plait au gros public, au plus grand nombre. Un toro le tuera à Madrid. Pedro Romero à l’inverse plait aux “ entendidos ”, aux connaisseurs, au petit nombre. C’est un torero froid, dépouillé, rigide, très technique, un seigneur hautain, un guerrier sec, guindé comme sa ville. Hillo cherche l’enchantement, l’ornement, le détail même frivole. Pedro Romero est majestueux, sobre et efficace. Il se tient face aux toros comme un soldat. A l’image de Ronda sentinelle blanche mentionnée dés l’Antiquité par Strabon et dont la vocation est d’abord militaire. Ronda sur son vertigineux rocher défendait la région contre les envahisseurs venus de la cote : barbaresques, turcs, hollandais, anglais plus les contrebandiers et les bandoleros de l’Espagne “ romantique ” de Mérimée et Théophile Gautier, plus les guérilleros antifranquistes des années 40.
Pour Pedro Romero la tauromachie est un art sévère. Il n’admet que les figures classiques : la “veronica”,
la passe “ naturelle ”, la plus difficile, avec la main gauche. Il exclut de son répertoire les frous-frous sévillans et tue toujours “ a recibir ”, Cette raideur Ronda l’impose y compris dans son paysage. Séville est une grande ville percée de larges avenues et traversée par le Guadalquivir, un fleuve maintenant domestiqué. On y voit des bateaux-mouches et des planches à voile. La vieille Ronda, entre le quartier aux allures villageoises de San Francisco et celui, plus commerçant du Mercadillo est coupée en deux, à la hache, par l’abîme sauvage d’un ravin survolé par des corbeaux et des oiseaux de proie. Séville est une ville musée qui exhibe complaisamment ses reliques, ses palais, ses églises dans un luxe de coquetteries : azulejos, grilles, balcons fleuris, maisons peintes à la chaux, céramiques décoratives et religieuses, patios ravissants offerts à la curiosité visuelle des visiteurs. Du quartier aristocratique et dépourvu de tout commerces de Ronda autour de la cathédrale de Santa Maria la Mayor construite au XVIème siècle émane une séduction plus sobre et le silence de la Plaza de la Duquesa de Parcent égayée de nombreux lauriers roses contraste singulièrement par sa rurale tranquillité avec le succès bruyant du touristique quartier sévillan de Santa Cruz. Séville affiche son passé à travers la somptuosité de ses monuments : la Giralda, l’Alcazar, la Tour de l’Or, les remparts, les églises baroques. Ronda dit peu de son passé. La cathédrale Santa Maria s’est substituée à une mosquée et l’architecture Renaissance a pris le pas sur l’architecture arabe. Le chef d’œuvre de Ronda et qui met en évidence son aspect citadelle c’est le Puente Nuevo édifié au milieu du XVIIIème par Martin de Aldehuela au dessus du fameux précipice et qui a permis à la Ronda de l’âge classique de se développer autour de sa Plaza de Toros. Dans ce quartier là ouvert et du Mercadillo la longue, piétonnière et commerçante calle de la Bola rivalise, toute proportion gardée, avec la fameuse et si vivante calle Sierpes de Séville.
Mais à la différence de la baroque et nombriliste Séville, Ronda est restée attachée à son quant à soi néo-classique et à ses principes. Sifflé par le public de Ronda parce que sévillan Curro Guillén en mourra le 20 mai 1820. Ce jour là il s’apprête a estoquer son toro à “ volapiés ”, à la façon sévillane lorsque un certain Manfredi l’apostrophe des gradins : “ Senor Curro n’êtes-vous pas le roi des toreros ? Alors tuez donc je vous prie ce petit toro a recibir.” Curro Guillén s’exécute, le toro l’attrape et le tue. “ Plaza de piedra de Ronda/ La de los toreros machos ” écrira Fernando Villalón, poète de la génération de 1927, ami de Garcia Lorca et éleveur de toros de combat aux yeux verts. Dans son appétit de rigueur Pedro Romero qui a sa statue sur la promenade de La Alameda édictera une sorte de table de la loi tauromachique qu’Orson Welles amoureux de la corrida et de Ronda pouvait réciter par cœur : “ Un : le couard n’est pas un homme, et pour la tauromachie il faut des hommes. Deux ; la peur donne plus de coups que les toros. Trois : l’honneur du matador est de ne jamais fuir ou courir devant les toros lorsqu’il tient dans sa main muleta et épée. Quatre : le maestro ne doit jamais sauter la barrière après s’être mis devant le toro parce que c’est une chose honteuse… ”
Un siècle plus tard une autre dynastie “ torera ”, celle des Ordoñez, viendra redonner une autorité, y compris, littéraire à Ronda. Elle est fondée par Cayetano Ordoñez, fils d’un savetier qui torée sous le nom de “ Niño de la Palma ”. Le poète Rafael Alberti lui dédie un poème de son recueil “ L’aube du Giroflée ” et Hemingway l’immortalise dans son roman “ Le soleil se lève aussi ” sous le pseudonyme, évidemment, de Pedro Romero. Il est ce jeune torero brillant dont s’entiche Brett l’héroïne “ jazzy ” du livre. Cayetano aura cinq fils tous toreros mais seul Antonio statufié, lui, devant les arènes fera une grande carrière. L’écrivain José Bergamín le célèbre dans des poèmes et, avec Luis Miguel Dominguin, il est le héros de “ L’été Dangereux ” d’Hemingway. Antonio Ordoñez décédé son petit fils le torero Francisco Rivera-Ordoñez a repris l’organisation de la corrida goyesque de Ronda. Comme la tauromachie aime les vieilles fidélités, l’assonance et les histoires qui se bouclent en cercle Francisco Rivera-Ordoñez est devenu Duc de Montoro après avoir épousé la fille de l’actuelle duchesse d’Albe dont l’aïeule avait eu quelques faiblesses pour Pedro Romero. Ronda ronde. Le poète andalou Juan Ramon Jiménez en a dit la magie: “Ronda alta y honda, rotunda, / profunda, redonda y alta…”
Jacques Durand
Photo Madonna © Madvin
Photo © Aitor Lara