
Mardi les peñas du soleil honorent
la mémoire de Germán Rodríguez militant basque tué par balle par les forces de l’ordre voilà
25 ans. Un danseur danse un aurresku sur
le toit du toril. Les toros de Cebada Gago sont très armés, se déplacent bien au début
des combats mais finissent par s’éteindre en devenant défensifs... Ou ils ont
perdu dans leur croisement avec le sang Nuñez del Cuvillo leur inlassable
mobilité ou pour leur propre décadence
ils manquent de cavalier. Pepín Liria est affligeant devant Hormigon qui mérite
mieux que ce twist vulgaire et accéléré fait de passe terminées par le haut. Pepín gigote démagogiquement sous le soleil sans gouverner jamais l’ardeur du toro. Le jeune et délicat torero navarrais
Francisco Marco, dont la programmation dans cette course est contre nature, essaye
d’imposer sa fine tauromachie. Mais
Fijador coupe ses charges en donnant des coups de tête et le très beau Clavelito
ne va jamais au bout de sa valse. Enfin le fameux Jugue-plaza massacreur matinal d’anglo-saxons donne raison à Diego Roblés
qui a toujours raison. Il attaque
franchement sur les deux cornes mais
asphyxie un Padilla hors du coup.
Mercredi Santi
Begiristain
le président de la course est un anti-corrida. Cependant il est conseiller
municipal et le protocole exige qu’il préside. Ce qu’il fait, mal. Il refuse de
remplacer le gros Remate, 600 kilos, qui préfère la station couchée et
distribue sans discernement les oreilles. 3 pour Matías Tejela ce qui fait au moins une de trop. Et celle
donné à El Juli ? On peut la discuter. Les toros de Juan Pedro Domecq
reviennent à Pampelune après 29 ans d’absence. Comparaison : le 8 juillet 1970
ils ne pesaient pas plus de 500 kilos, prenaient trois piques, renversaient les
chevaux de picador, livraient aux toreros une guerre sans merci. Constat :
la puissance ne vient pas des kilos mais de la race. Cette année les Juan Pedro
Domecq choisis pour Pampelune pèsent
plus de 600 kilos pour trois d’entr’eux, prennent chacun deux piques allégées
comme des yaourts, ne chahutent aucun picador, se laissent manipuler. Pas le
soleil basque. Il siffle les
banderilleros de Ponce. Leurs banderilles sont aux couleurs de l’Espagne.
Aujourd’hui le soleil a fort à faire. Sous son nez le toro Locuelo saute dans
la contre piste et un type de la barrière lui fait une passe qu’on dira haute
avec son matelas pneumatique en forme de téléphone portable. El Juli aussi fait
des passes téléphonées au bienveillant Locuelo. Sa faena est pleine d’assurance
mais prévisible et sans intériorité. Une simple expertise. Deux bonnes séries à
droite, une passe de dos pour attirer l’attention, des trucs spectaculaires et
pour finir une estocade à fond mais sans véritable rectitude. Locuelo
meurt au ralenti. Emotion. Une oreille. A mi corrida, à l’heure de la grande
bouffe, Ponce vient offrir à l’ombre une
faena délicieuse, templée, très articulée, bien cadencée mais distanciée. Trop
de vouvoiement entre lui et Rasguero .
Matías Tejela donne beaucoup de lui et Pampelune le lui rend. Sa tauromachie fringante
devant deux Domecq impressionnants mais accommodants est un composé de choses profondes et de
postures plus factices. Il se déplace beaucoup entre les passes, se contente avec
son premier toro de séries de deux
passes mais donne à voir aussi un certain fond. En particulier sur une intense série
de la main droite, très enchainée devant le faible et noble Jimenito. Il
s’attend à recevoir une oreille, le président lui en donne deux.
Jeudi matin Pegajoso de Jandilla s’attaque à la famille
Hermosilla. D’un seul coup d’un seul il
encorne, sans gravité le papa et le fiston...Mais pour les Hermosilla et selon le marchand de journaux de la rue Estafeta qui
connaît bien la maison le plus dur est à venir ; le retour à la maison et
le sartenazo, le coup de poêle à frire que maman Hermosilla mijote pour son
couillon de mari et son couillon de fils. Le matin à l’encierro les Jandilla ont
fait onze victimes. Plus deux l’après midi. Rivera-Ordoñez et El Juli. Les Jandilla sont bravos et nobles et avec du caractère
et seul César Jiménez s’y colle. Rivera-Ordoñez
que l’on a vu le matin donner un coup de main aux dobladores pour rentrer les
toros est fantomatique. Il ne prend jamais la gauche avec l’excellent Vicioso, abrège lamentablement devant Malabarista qui
est un chic type sur les deux cornes. Au
menu de sa sortie : coussins et croutons. César Jiménez dira au revoir
sous l’ovation malgré sa malchance avec son premier toro. Une mauvaise manœuvre
de son péon et Sabihondo se casse la corne droite. Jiménez le liquide, le toro
pas le péon, quoique. Plein d’une fureur froide il attaque Oculista à genoux avec des
passes de la droite très templées. Toréer en colère ajoute de la torería aux
toreros de caste comme lui. Alors il crache une exigeante série de naturelles.
Voyant le moral d’Oculista faiblir il
change de répertoire et de terrain; passes à genoux, manoletinas, desplante en léchant
muleta et épée. Sa rage se retire. Il rate l’estocade. Adieu les oreilles. Et El
Juli ? Il ne profite pas de la qualité de ses adversaires. Il torée mécaniquement.
Il tente de donner le change avec Pegajoso, torée de face pas en face. Donner
le change semble être son seul souci. Il
torée pour la forme. Ses trois chicuelinas d’automate devant Miliciano qui vient
de loin avec franchise recueillent le
prix de leur industrie ; Quatre applaudissements machinaux. La
faena qui suit est standardisé. Une
rengaine.
Un
truc comme «jeux interdits».
Jacques
Durand
Pamplona
2003