Céret, le temps des cerises


Fernando Cuadri est venu le dire à Céret
en mai. La bravoure du toro c’est son malheur, sa fatalité. Le tout petit becerro menacé par un loup, un chien, un danger mortel, au lieu de partir  vers sa mère pour trouver une protection, un refuge, le salut, reste sur place. Il fait face, il attaque, il en meurt. Il a oublié son instinct de conservation. Fernando Cuadri  a été applaudi. Il a reçu des cerises dans une banaste aux couleurs catalanes, rouge et or. La bravoure est une folie rouge cerise, une colère chaude, froide et, malheureusement, dans beaucoup de corridas, celles qu’exècrent ceux de l’A.D.A.C, tiède. Dieu vomit les tièdes, l’A.D.A.C. aussi. On l’a écrit ailleurs : l’arrancada d’un toro est une fleur artificielle. L’élan qu’il se donne ou qu’on suscite en lui est une sublimation suicidaire qui soulève  l’enthousiasme, la peur, des vents de sable entre ses sabots. Une sublimation réduite en poudre. On ne consulte jamais assez les étymologies : arrancarse. Le toro s’arrache au sens propre et se ruine au sens figuré. Dans cet assaut c’est lui qui se tue. Toros lyriques, cailloux colériques du ricochet de la corrida, comme les toros tranquilles mais prêts à exploser de Manuel Assunçao Coimbra au milieu des boutons d’or de Santarem. L’un d’eux paraissait avoir plus de mille ans. Sans âge. Vieux comme les légendes, les pierres, les rides de la peau, l’éloquence du muet, ruminant du noir comme le minotaure.

On n’oublie pas qu’à un accent près  Céret est l’anagramme de Crète

Jacques Durand